- ROME ET EMPIRE ROMAIN - La religion romaine
- ROME ET EMPIRE ROMAIN - La religion romaineOn entend par «religion romaine» un ensemble de croyances, de rites et d’institutions qui se forma à l’intérieur du Latium vers le milieu du VIIIe siècle avant J.-C. (date traditionnelle de la fondation de Rome) et persista dans le monde romain jusqu’à ce que la religion chrétienne vienne le supplanter. Cette religion apparaît, dès l’origine, comme l’un des organes essentiels de la cité; jamais elle ne sera complètement dégagée du politique. Jusqu’à la fin, les «païens» pensèrent que la puissance matérielle de Rome reposait sur sa fidélité à la religion traditionnelle qui représenta toujours une grande force morale, même si elle n’a guère connu ni permis, comme les religions venues d’Orient, l’établissement de rapports directs entre le fidèle et son dieu.Le terme de religio , qui désigne en latin la forme licite et légitime des rapports entre les hommes et les divinités, est en lui-même obscur. Certains y voient la notion d’accomplissement scrupuleux des opérations religieuses; d’autres pensent qu’il s’agit surtout d’un sentiment de retenue, de la prise de conscience d’un «tabou». Quoi qu’il en soit, une religio particulière – c’est-à-dire une pratique religieuse déterminée – apparaît toujours comme une discipline imposée à l’homme par les divinités. Le Romain vit «sous l’œil des dieux», mais, non sans paradoxe, il ne doit pas chercher à établir, par lui-même, des rapports directs avec ceux-ci. Il se rendrait alors coupable de superstitio , c’est-à-dire de «religiosité anarchique»: toute «voyance» est proscrite. Seuls les prêtres, émanation du corps social, sont qualifiés pour régler les pratiques. Un homme témoin d’un prodige (manifestation de la volonté divine) prend aussitôt conseil; on consulte les précédents, et les autorités tirent la conclusion.Les activités religieuses s’insèrent toujours dans le cadre d’une collectivité; la nature de celle-ci définit celle du rite. Il existe des «religions» de la gens (cultes gentilices, rendus à des divinités définies, par exemple Veiovis pour les Julii) et, à l’intérieur des fractions de la gens , une religion pour chaque familia (ensemble vivant dans une même maisonnée; c’est le cas, notamment, pour la religion «domestique» – de la maison, domus – et la religion des morts); très tôt, il existe une religion de la curia , c’est-à-dire du groupe social élémentaire, la cellule de base de la cité, où sont encadrés tous les citoyens, même et surtout ceux qui ne sont pas intégrés dans des gentes ; ces curies passent pour avoir été créées par Romulus, c’est-à-dire qu’elles seraient contemporaines de la cité elle-même. Tout groupement (collegium ) établi pour une fin quelconque (professionnelle, artistique, etc.) comporte une structure religieuse; les dirigeants (magistri ) du collège en sont les desservants; les esclaves peuvent faire partie de ces collegia , et c’est là qu’ils trouvent leur personnalité religieuse, nulle dans le cadre de la cité, faible dans celui de la familia . Enfin, il existe une religion collective du «peuple romain»; c’est celle qui apparaît pour nous le plus clairement; elle forme ce que l’on appelle le plus souvent la religion romaine, bien qu’elle ne soit qu’un aspect de la vie religieuse intense d’un peuple qui se voulait d’une piété exemplaire.1. Le système religieux à la fin de la RépubliqueLe système religieux romain n’a pas été établi dès l’origine; il a évolué parallèlement à la constitution de Rome et à sa société. C’est pour la fin de la République (époque de Cicéron) que les connaissances sont les plus précises et les plus riches.Les «religiones»Dans la vie du Romain, les rites et les observances comptaient plus que les connaissances des dieux. L’accomplissement des rites était assuré, pour la religion officielle, par les représentants de la cité qui en imposaient le respect. La première obligation résidait dans le respect de la qualité religieuse des jours. Le calendrier même était matière de religion.Dans les premiers temps de Rome, le calendrier, qui passait pour avoir été institué par le roi Numa, un Sabin très instruit des choses divines, était de type lunaire avec des mois de vingt-huit jours, chacun de ceux-ci étant divisé selon les phases de l’astre: le début du mois (les calendes) correspondait à la nouvelle lune; les ides (pleine lune) tombaient soit le 13 soit le 15; le premier quartier (les nones), le 5 ou le 7. À l’origine, ces dates étaient chaque mois révélées par le «roi des sacrifices», qui connaissait aussi les jours fastes (ceux où il était permis d’avoir une activité, politique ou professionnelle), les jours néfastes, ceux qui étaient néfastes le matin et fastes le soir, ainsi que les jours «comitiaux», où pouvaient se réunir les assemblées. Les pontifes déterminaient la date des grandes fêtes mobiles et, pour faire coïncider le calendrier avec le retour effectif des saisons et des astres, procédaient aux intercalations indispensables (addition de mois supplémentaires). À l’époque républicaine, les jours repères dans le mois sont consacrés à une divinité particulière: les ides à Jupiter, les calendes à Junon et à Janus. En outre, la plupart des grandes fêtes de l’année étaient célébrées à date fixe, comme si chaque jour possédait sa qualité religieuse propre – qualité qui pouvait changer si quelque événement, heureux ou malheureux, notable (par exemple une défaite militaire) se produisait ce jour-là.Les fêtesIl existait, à la fin de la République, toute une série de fêtes, dont la signification n’était pas toujours claire. Au mois de janvier, les Carmentalia , en l’honneur d’une très ancienne déesse prophétique, protectrice des femmes en couches. En février, les Lupercalia , au cours desquelles des jeunes hommes nus couraient autour du Palatin, après avoir sacrifié un bouc; peu après, le Regifugium , où l’on voyait un prêtre, le «roi des sacrifices», sacrifier une victime puis s’enfuir au plus vite. En mars, des courses de chevaux, à l’occasion des Equirria (qui reviennent en octobre, et, ce jour-là, le cheval vainqueur était sacrifié); puis une fête populaire, où l’on allait dans la campagne manger et surtout boire, en l’honneur d’une certaine Anna Perenna, chère à l’imagination populaire; quatre jours plus tard, fête des Quinquatries, en l’honneur de Minerve (fête que chômaient les écoliers). En avril, venaient des fêtes de caractère agraire: les Fordicidia , où l’on sacrifiait une vache pleine; les Cerialia , fêtes du blé, au cours desquelles on lâchait des renards à qui l’on avait attaché un flambeau allumé à la queue; puis les Parilia (fêtes de la déesse – ou du dieu – Palès, protégeant les troupeaux) qui comportaient des feux de joie; puis les Vinalia , qui marquaient la dégustation du vin nouveau, parvenu à maturité; enfin les Robigalia , marquées par le sacrifice d’un mouton et d’un chien. En mai, avaient lieu des fêtes d’un caractère funèbre, les Lemuria , qui «exorcisaient» les morts et les éloignaient de la cité des vivants. En juin, les Vestalia , où chômaient les bêtes de somme entraînant les meules dans les boulangeries; puis les Matralia , autour du sanctuaire de Mater Matuta (la Bonne Aurore), fête des femmes. En juillet, se déroulait une fête populaire, les Nones Caprotines , avec déguisements et sacrifice d’une chèvre; lors des Neptunalia , placées sous le patronage du dieu de la mer, le peuple construisait dans les campagnes des huttes de feuillage et, à la fin du mois, venaient les Furrinalia , en l’honneur des nymphes des sources. Le mois d’août était marqué par les Portunalia ; de nouveau des Vinalia ; puis des fêtes de l’engrangement, les Consualia ; enfin les Volcanalia , où l’on jetait dans le feu de petits poissons. Septembre n’avait aucune fête de ce genre, et il fallait attendre la fin d’octobre pour trouver la fête des sources (Fontinalia ) et la purification des armes (Armilustrium ), avec les secondes Equirria . Novembre, à son tour, était dépourvu de fêtes. En décembre, des Consualia de nouveau et surtout les Saturnalia , au cours desquelles la hiérarchie sociale était pour un temps bouleversée, les esclaves prenant la place des maîtres.Le caractère ancien, folklorique, souvent en partie magique de ces fêtes est évident. La religion officielle les conserve, mais elles relèvent de la piété populaire, et l’on ne sait pas toujours très bien à quelle divinité elles se rapportent. Il existait, à côté d’elles, d’autres fêtes, dans lesquelles les rapports avec une divinité déterminée étaient clairement sentis; ainsi, toutes les dédicaces de temples, à l’anniversaire de leur fondation, et surtout les fêtes engageant directement la cité: prières officielles au Capitole le 3 janvier; fête des morts (Parentalia ) en février, où les vestales officiaient au nom du peuple romain; procession des argées en mars; anniversaire de Rome, aux Parilia ; fêtes de Flora en mai; sacrifices solennels à Vesta le 9 juin, à Jupiter aux ides du même mois, etc.Les jeuxLes jeux sont des fêtes où le peuple se rassemble, sous le regard, et avec la présence matérielle de ses dieux, dont les statues sont amenées en procession jusqu’au lieu du spectacle. Ils ont pour but de «plaire» aux divinités, de les «mettre de bonne humeur». Les plus anciens semblent avoir été les Grands Jeux, ou jeux romains, à la mi-septembre. Aux ides de novembre, les jeux plébéiens leur firent pendant. Peu à peu d’autres jeux prirent place dans l’année liturgique: jeux d’Apollon, depuis 212 avant J.-C., jeux de Cérès (en avril), jeux de la Grande Mère, en l’honneur de Cybèle, jeux de Flore. Primitivement, les jeux romains (et les jeux plébéiens) comportaient des défilés de masques, de danseurs, de cavaliers, des concours d’athlètes, des courses de chevaux et de chars; puis le divertissement devint plus intellectuel et comprit des pièces de théâtre de diverses sortes. C’est ainsi que naquit le théâtre romain.Les combats de gladiateurs n’appartiennent pas à la catégorie des jeux publics: ce sont des formes adoucies de sacrifices humains, offerts par les membres des grandes familles à leurs défunts, et auxquels le public était convié. Ces combats eurent lieu longtemps au Forum; leur introduction ne date que de 264 avant J.-C.Tous les cent ans, en principe, étaient célébrés des jeux Séculaires, marquant le «renouvellement» de la cité, et dédiés aux divinités des morts.Les autres ritesOutre les fêtes «magiques» et les jeux, la religion romaine comportait des rites de purification, destinés à assurer ou rétablir la «paix des dieux» (pax deorum ), l’accord entre Rome et ses divinités. Parmi ceux-ci on peut citer: la lustratio (purification) du peuple et de l’armée, obtenue en entourant le peuple, par trois fois, d’une procession accompagnant un taureau, un porc et une brebis, qui étaient ensuite sacrifiés; puis la danse des saliens qui parcouraient Rome en agitant des boucliers sacrés, les anciles que l’on disait tombés du ciel au temps du roi Numa; les saliens chantaient un très vieil hymne, tout en dansant, et priaient les divinités néfastes d’épargner la Ville. De même, on rendait inoffensifs les lieux où était tombée la foudre en les entourant d’une margelle de pierre; ces lieux, que la divinité avait maudits, devenaient «intouchables».Certains rites étaient plus secrets: notamment la fête de la Bonne Déesse, célébrée en hiver dans la maison d’un haut magistrat, et à laquelle seules les femmes pouvaient participer. De même, les rites accomplis par les vestales au foyer de leur demeure, qui était en même temps celui de toute la cité.Les divinitésTous ces rites avaient pour objet d’agir sur la volonté divine, le numen des dieux; cette action était obtenue par la valeur contraignante du geste, par le sacrifice et par la prière. Pour chaque acte rituel, tous les détails sont minutieusement réglés: costume du prêtre (tête couverte ou découverte, drapé de la toge, etc.), paroles à prononcer, nature exacte de la victime (en principe animaux femelles pour les déesses, mâles pour les dieux), sa couleur, son âge (nombre de dents), etc. En revanche, l’intention du célébrant, sa volonté pure ou impure n’importent nullement. Les divinités ne sont pas extérieures à la nature, surnaturelles; elles appartiennent au monde, comme les animaux, les hommes, les plantes, mais avec un degré éminent de puissance et de perfection.La liste des divinités romaines est très longue et complexe. On y trouve des personnalités fortes, bien définies, qui correspondent généralement aux douze grands dieux du panthéon grec: ainsi Jupiter, roi et père des dieux, maître de la foudre, de la lumière, garant des serments; sa parèdre Junon, protectrice des matrones; Minerve, patronne des artisans, et qui figurait avec Jupiter et Junon dans le grand temple du Capitole; puis Cérès divinité du blé (analogue à la Déméter grecque), sa fille Libera (assimilée à Perséphone, et Liber Pater (assimilé au Dionysos-Bacchus grec), tous les trois adorés sur le mont Aventin; Mars, dieu de la guerre; Diane, considérée comme l’incarnation romaine de l’Artémis grecque; Volcanus, dieu du feu, était assimilé à Héphaïstos; Neptune, bien qu’il ait d’abord été le dieu des eaux douces, était devenu l’équivalent de Poséidon; Vesta, déesse du foyer domestique, était assimilée à Hestia; Mercure, dieu du gain et du commerce, l’était à Hermès; Vénus était identifiée à Aphrodite. Mais le panthéon romain comprenait aussi des divinités à qui l’on n’avait trouvé aucun analogue sur l’autre rive de la mer Ionienne: ainsi Janus à deux visages, dieu des «commencements» et, en général, des passages; ou Volturnus, sans doute dieu de l’eau; Cacus, démon du feu; Dea Dia, divinité de la lumière; Faunus qui rappelle d’assez loin le dieu grec Pan; Silvanus, dieu des bocages; Terminus, protecteur des limites (bornes dans les champs, etc.); Veiovis, qui est le «mauvais Jupiter» et ne saurait être comparé à Hadès. Celui-ci trouve plutôt son équivalent dans Dis Pater, qui n’a guère de personnalité. Apollon, directement emprunté au monde grec, apparaît dès le début comme un étranger, dont les sanctuaires, comme tous ceux des divinités étrangères, sont rejetés hors du pomerium , l’enceinte religieuse de Rome.Mais, à côté de ces divinités «majeures», existaient des démons mineurs, qui tantôt avaient une fonction d’ordre général et tantôt remplissaient un rôle strictement déterminé. Par exemple Flora «préside à tout ce qui fleurit»; Fons (considéré comme un fils de Janus) suscite les sources, tandis qu’Égérie est la nymphe d’une source particulière, située près de la porte Capène; Juturne, elle, est la divinité d’une source du Forum, mais cette source, qui jaillit près du temple élevé aux deux fils de Jupiter, les deux divinités grecques Castor et Pollux, fit qu’on la donna pour sœur aux deux jumeaux divins. Robigo est un démon malfaisant; il provoque la rouille du blé. Mais Tellus, la Terre Mère, est une grande divinité de la fécondité, que la personnalité de Cérès n’a jamais totalement absorbée. De la même façon, Ops est la divinité de l’abondance, Consus assure la bonne conservation des récoltes mises en silos. Ops est considérée comme la femme d’un vieux dieu italique, Saturne, qui avait été tardivement identifié à Cronos, le père des Olympiens. Mais Saturne est profondément italique et passe pour avoir été le roi du pays au temps de l’âge d’or.Le panthéon privéDans la maison existent des divinités nombreuses: d’abord les pénates, dieux du sanctuaire domestique, protecteurs de la stabilité de la maison. Il y avait de même, au foyer de Vesta, des pénates du peuple romain; leur conservation et le culte qu’on leur rendait garantissaient la survie et la continuité de Rome. À côté des pénates, les lares, deux génies tournoyants qui semblent avoir eu pour fonction d’assurer l’abondance dans la maison et dans tout le domaine qui l’entoure. Dans la chapelle domestique – le laraire – peuvent entrer d’autres divinités, toutes celles dont le maître de la maison apprécie particulièrement la protection. Lui-même est l’objet d’un véritable culte adressé à son genius , c’est-à-dire la force de vie qui l’anime et assure la survie de la famille. Après la mort, les défunts deviennent, semble-t-il, des dieux mânes (dii manes ), sans que l’on puisse croire que, anciennement du moins, ils conservaient leur personnalité. Les dii manes sont alors invoqués collectivement; plus tard, on parlera des mânes de tel ou tel. Faut-il considérer comme des dieux, ou de simples revenants, les lemures qui, à certaines dates, passaient pour quitter leur demeure souterraine et envahir la ville?Des croyances curieuses, attestées par des écrits tardifs, et auxquelles les textes de l’époque classique ne font que peu allusion citent d’innombrables divinités très spécialisées: telles Cunina, protectrice de l’enfant au berceau, Statulinus, qui apprenait à celui-ci à se tenir debout, Rumina, qui lui apprenait à têter, Abeona qui protégeait les départs et Adeona les retours, etc. Enfin, certaines abstractions recevaient un culte: Fors et Fortuna, deux déesses du hasard, Fides (la bonne foi), Honor et Virtus (gloire et valeur), Concordia (la force maintenant la cohérence des citoyens), Febris (la fièvre)...On voit le caractère composite de ce panthéon, dans lequel il semble que les divinités aient pu être introduites en quelque sorte à volonté. Il témoigne du souci chez les Romains de saisir tous les aspects possibles du divin. On priait, une fois épuisées les listes de divinités connues, «un dieu inconnu» ou encore on désignait d’un nom inventé pour l’occasion la puissance dont on avait cru discerner l’intervention. Par exemple, une voix mystérieuse s’étant fait entendre, en une circonstance importante, on rendit un culte à Aius Locutius (le «Parleur»). Le formalisme du culte est ainsi tempéré par une souplesse dans l’invention – mais celle-ci est réglée par les autorités religieuses, qui sont en même temps les autorités politiques.Les desservants du culteS’il est vrai que chaque culte est rendu au service d’une collectivité déterminée, le desservant, qui est le porte-parole du groupe et son intermédiaire en face des dieux, est naturellement le «chef» (magister ) de celui-ci. Ainsi, le père de famille, chef de la maisonnée, est le desservant obligé du culte domestique; ainsi, les chefs de curie (curiones ) pour les cultes curiaux, les magistri (élus) pour les collèges et, dans la cité, aussi longtemps que Rome fut une monarchie, le roi fut le prêtre suprême; après la chute de la monarchie, on créa un «roi des sacrifices», qui eut pour rôle d’assumer certaines fonctions religieuses des rois détrônés, afin de maintenir la tradition. Mais déjà, au temps du roi Numa, la tradition veut que des collèges sacerdotaux aient été créés, entre lesquels étaient répartis les grands actes religieux.Nous trouvons ainsi les flamines , dont les trois principaux sont chargés du culte de Jupiter, de Mars et de Quirinus (celui-ci étant le protecteur des citoyens – les quirites – et dont on disait qu’il n’était autre que Romulus divinisé), puis douze autres, desservant les divinités apparemment mineures aux temps classiques: Volcanus, Volturnus, Portunus, Carmenta, Flora, Pomona (protectrice des fruits), Furrina, Palatua (démon du Palatin) et le très obscur Falacer. Les trois grands flamines, surtout celui de Jupiter, le flamen Dialis , sont en état de «pureté» religieuse perpétuelle; ils sont les dépositaires, à tout instant, de la puissance divine et, à ce titre, tenus d’observer toutes sortes de règles. Le flamen de Jupiter ne doit avoir sur sa personne aucun lien; il ne peut prendre aucune nourriture fermentée; il ne peut monter à cheval; les pieds de son lit sont enduits de terre glaise, il ne doit pas dormir hors de chez lui plus de trois nuits de suite, et il est soumis à beaucoup d’autres interdits dont certains ont pour but évident de maintenir le flamen dans un état de civilisation très archaïque (tabou du vin, interdiction de passer sous des sarments de vigne, de voir ou de nommer une chèvre, etc.). Il porte constamment sur la tête un bonnet pointu, en peau, qui est censé le protéger contre les influences mauvaises, l’isoler du Ciel.Le collège des pontifes présente des caractères très différents, qui font de ceux-ci presque des magistrats. Le nom de pontife (pontifex «faiseur de pont») reste obscur, en dépit de son étymologie transparente; de quels ponts s’agit-il? Peut-être des «chemins de la prière», entre le peuple et ses dieux? Hypothèse empruntée à des faits indiens et liée à toute une conception de la religion romaine, mais dont la démonstration n’est ni confirmée ni infirmée par les faits saisissables. À Rome, les pontifes sont les administrateurs élus de la religion; ils ont, peut-être, succédé au roi dans ce rôle. Le grand pontife, président d’un collège nombreux (quinze membres à la fin de la République), est le maître de tous les cultes, et joue, pour les vestales, le rôle du pater familias , il les choisit, les surveille; il désigne aussi le flamine de Jupiter. Le collège connaît les traditions sacrées, veille à leur observation, mais peut, aussi, les modifier. Il existe un «droit pontifical», qui, dans la Rome ancienne, englobait l’ensemble du droit, civil aussi bien que religieux. Les pontifes président aux adoptions, aux mariages par confarreatio (mariages de rite archaïque, essentiellement religieux). Ils gardent le témoignage écrit de tous les événements importants; leurs Acta (résumé des événements) formèrent l’embryon de l’histoire romaine et devinrent les premières Annales .Le collège des vestales comprenait six jeunes vierges, qui résidaient dans une maison archaïque (atrium Vestae ), dont une dépendance était le temple rond dit de Vesta, en fait, simple «cabane» où l’on ne trouvait aucune image divine. On devenait vestale vers six ans et on le restait trente années, pendant lesquelles les prêtresses étaient tenues d’observer une totale chasteté et devaient accomplir des obligations religieuses très précises. Elles maintiennent le feu allumé sur le foyer sacré; s’il s’éteint, elles ne peuvent le rallumer qu’en frottant l’un contre l’autre deux morceaux de bois provenant d’un arbre donnant des fruits. Fort honorées, les vestales sont punies de mort si elles manquent à leur vœu. Elles semblent jouer le rôle religieux dévolu à la mère de famille dans la plus ancienne société «latine».Le collège des augures administre la prise des auspices, c’est-à-dire l’interprétation des signes par lesquels les dieux font connaître leur volonté. La croyance aux présages était très répandue à Rome; tout passait pour un «signe» (un mot que l’on entendait, un éternuement, à plus forte raison les coups de tonnerre, mais aussi le vol des oiseaux, etc.). Cette croyance réglait certains actes importants de la vie publique: toute assemblée, le départ en campagne des légions, etc., sont précédés par la prise des auspices, c’est-à-dire l’observation des signes célestes, particulièrement le vol des oiseaux (à l’intérieur d’un carré idéalement tracé dans l’espace du ciel, le templum ). Les augures assistent les magistrats; ce sont des «techniciens» de la divination. Ils forment un collège (de neuf, puis de quinze membres), recruté par cooptation, qui conserve la science des présages.À la fin de la République existait un collège de dix membres «chargés des opérations sacrées» (decemuiri sacris faciundis ); ils étaient spécialisés dans la consultation des Livres sibyllins , recueil attribué à la sibylle de Cumes, et contenant des recettes sacrées pour faire face à des situations religieuses exceptionnelles. C’était la «part de l’imprévu». Les décemvirs avaient ainsi le pouvoir de modifier la religion romaine; ce sont eux qui introduisirent Apollon, emprunté, sans doute, à l’Étrurie. Ils contribuèrent beaucoup à l’hellénisation de la vieille religion romaine. Leur action échappait à l’autorité des pontifes.À côté des collèges (outre ceux déjà cités, on peut mentionner les septemuiri epulonum , chargés des banquets sacrés) existaient des confréries, comme celle des luperques, célébrant les Parilia ; les frères arvales, au nombre de douze, qui se réunissaient dans le bois sacré de Dea Dia, à certains jours, pour accomplir des rites de magie agraire devant assurer la fécondité de la terre; les saliens ; enfin, les fétiaux, au nombre de vingt, qui avaient pour mission de régler, selon la volonté des dieux, les rapports avec les cités étrangères (déclaration de guerre, conclusion des traités).2. Genèse de la religion romaineCette religion, devenue essentiellement politique à la fin de la République, a connu, depuis les origines de Rome, une évolution constante, dont certains facteurs (action des pontifes, sous la dépendance des autorités politiques, auxquelles ils appartiennent eux-mêmes, rôle des décemvirs et des Livres sibyllins ) nous sont saisissables. Mais l’obscurité est souvent très grande en ce qui concerne l’état le plus ancien.Rome s’est développée dans un monde complexe, où figuraient des éléments indo-européens, des éléments illyriens, un ferment étrusque, qui longtemps servit d’intermédiaire entre l’Orient asiatique et hellénique et le monde italique, enfin, de très bonne heure aussi, des éléments helléniques, issus des colonies grecques du Sud. Il est malaisé de déceler ce qui, dans les institutions et les croyances, vient de telle ou telle source. Selon les écoles, les historiens modernes sont enclins à insister sur telle d’entre elles, aux dépens des autres. G. Dumézil, dans une série d’ouvrages, s’efforce de montrer l’étendue de l’héritage indo-européen et son caractère fondamental dans la religion archaïque. Tout, dit-il, s’organise autour des trois fonctions essentielles caractéristiques de la société aryenne: la royauté magique, la fonction militaire, les fonctions de fécondité. À ces trois fonctions répondent trois dieux, effectivement groupés en triade à un certain moment de la religion romaine: Jupiter, Mars, Quirinus. Pourtant, les trois divinités que l’on trouve sur le Capitole, dans le temple le plus saint de la Ville, sont Jupiter, Junon et Minerve. Ce seul fait montre le décalage existant entre la réalité constatable et l’état «plus ancien» reconstitué. Les villes italiques semblent avoir mieux conservé la vieille triade; elles ont été moins traversées que Rome d’influences diverses et la religion y a été moins travaillée par les forces politiques. Mais, si le détail du tableau est trop souvent brouillé, les travaux de Dumézil ont le mérite d’exorciser une notion introduite par les historiens récents, sous l’influence des anthropologues, celle de «mana», qu’ils retrouvaient dans le terme de numen (puissance). La religion romaine n’a sûrement pas évolué à partir d’un animisme primitif et vague pour aboutir, sous l’action de l’hellénisme, à un polythéisme de divinités personnelles. Dès l’origine existait une pensée théologique, organisatrice, au moins pour les rites, et connaissant des divinités comme personnes; le numen est la volonté de ces divinités. Et c’est cette volonté que considère le rite, sur laquelle il veut agir. L’un des caractères les plus originaux de la pensée religieuse romaine est sa faculté de créer des dieux en partant d’abstractions – ou de ce qu’on tient aujourd’hui pour telles. En réalité le Romain considérait que des forces comme Concordia , Honos , Salus étaient trop puissantes pour que l’on ne soupçonnât pas qu’elles résultaient d’une intervention divine (Cicéron: De la nature des dieux , De natura deorum , II, 61): c’était une manière de reconnaître «un dieu inconnu». Le panthéon romain est éminemment plastique; il fait très grande la part de l’inconnaissable, mais ne néglige aucune occasion de prendre possession de tous les lambeaux de divin qui lui apparaissent.Cette volonté, un des aspects de la «piété» romaine (pietas ), explique comment ce peuple traditionaliste a pu admettre dans sa religion un si grand nombre d’innovations et comment celle-ci a pu revêtir un caractère aussi visiblement composite. Si les pénates sont des divinités probablement italiques, les lares, leurs compagnons dans la maison, sont certainement étrusques, mais certaines monnaies, pour représenter les pénates du peuple romain, leur donnent les traits de Castor et Pollux, les deux fils du Zeus grec, venus vers le Ve siècle des colonies grecques d’Italie. De la même manière, Jupiter est à la fois le Père Jour des Aryens, le président du conseil des dieux, à la manière du Tinia étrusque, le maître des présages (comme le Zeus grec et le Tinia étrusque), mais aussi un dieu de l’abondance (Jupiter Optimus), un dieu politique, source de l’imperium , le garant du serment (ce qu’il est aussi dans le monde homérique), et il présente bien d’autres attributs encore, comme si sa personne possédait une sorte de magnétisme attirant à elle des formes très variées de «faits divins».À ces aspects divers du sacré il faut superposer une autre diversité: certains dieux sont d’abord patriciens (Jupiter, entre tous), d’autres sont propres aux plébéiens (comme Cérès, Liber et Libera de l’Aventin), et c’est autour de leur sanctuaire et de leur culte que se forma la première organisation politique de la plèbe (avec les édiles, desservants du temple, et les tribuns).3. La religion après AugusteLe culte impérialLa fondation du principat augustéen fut un événement aussi important au point de vue religieux qu’au point de vue politique. Ce régime nouveau s’appuie sur la divinisation de César, après sa mort en 44 avant J.-C. César avait compris que tout renouvellement politique devait s’appuyer sur un renforcement des valeurs religieuses, qui avaient perdu beaucoup de leur efficacité. Les rites du culte public étaient négligés ou tournés en dérision. Les auspices étaient délaissés. Les augures ne croyaient plus à leur science. La philosophie avait sapé les croyances traditionnelles, mais stoïcisme, épicurisme, académisme reconnaissaient l’existence des dieux, et étaient seulement en désaccord sur la nature des honneurs à leur rendre. Parmi le peuple s’était développée la croyance dans le caractère divin de certains personnages qui dominaient la vie politique: d’abord Scipion l’Africain, puis Marius et Sylla. César capta ce charisme à son profit. Il se fit élire grand pontife, puis développa autour de lui une légende de divinité. Mais c’est Auguste qui utilisa pour son propre compte l’héritage de son père adoptif. Ayant fait proclamer César dieu, il devenait lui-même «fils de dieu» et s’élevait ainsi au-dessus de l’humanité. Il fit répandre le bruit qu’il était le fils d’Apollon, se plaça sous la protection du dieu et associa le culte de son genius à celui que l’on rendait, dans les quartiers des villes, aux lares des carrefours. Il transposa ainsi à l’échelle de la ville le culte domestique; il devenait le «père» de la communauté (pater patriae ); et les citoyens étaient du même coup liés à lui par la pietas comme les membres d’une maisonnée le sont au père.Cette innovation essentielle se produisit d’une manière progressive; elle s’intégra dans une politique de restauration des cultes nationaux: réfection des temples ruinés, nomination de prêtres pour compléter les collèges, retour des rites à leur pureté primitive, développement des jeux, qui redevenaient des moyens de provoquer la communion du peuple avec ses dieux. Lui-même appartenait à tous les collèges sacerdotaux et, dès qu’il le put, devint grand pontife. Pour symboliser son caractère religieux, il se fit discerner le surnom d’Augustus , c’est-à-dire «béni» par les dieux, investi de l’efficace suprême par la bienveillance des divinités. D’autre part, Auguste s’attribuait graduellement le monopole du titre d’imperator , dénomination militaire et religieuse dans laquelle le général, désigné comme tel sur le champ de bataille par les soldats au soir d’une victoire, trouve l’assurance de sa propre efficace, qui le met au-dessus des simples citoyens. Au temps de la République, cette dangereuse propriété était solennellement déposée par les imperatores aux pieds du Jupiter Capitolin, dans la cérémonie du triomphe. Auguste, lui, fut triomphateur à vie et, bien vite, le seul à pouvoir célébrer le triomphe. Ainsi confisqua-t-il à son seul profit la théologie de la Victoire, l’une des grandes forces religieuses (en partie empruntée aux rois hellénistiques) de la République finissante. Augustus , imperator Auguste apparut bientôt comme l’image même de toute excellence (uirtus ), et on déposa dans la curie un bouclier symbolisant ses «vertus»: uirtus (fermeté), clémence, justice et pietas . Ainsi se poursuivait, par le détour des abstractions, cette quête du divin caractéristique de la religion romaine.Les religions étrangèresAuguste avait lutté contre la tendance qui portait les Romains à accueillir les religions étrangères, et surtout orientales, bien que lui-même attachât une grande importance aux croyances astrologiques. Il bannit la religion d’Isis et Sarapis, qui, de Campanie, avait pénétré à Rome au temps de Sylla. Pourtant, la venue à Rome des cultes orientaux et leur développement constituent l’un des traits les plus importants de la religion sous l’Empire. Pendant la deuxième guerre punique, les Livres sibyllins avaient ordonné d’installer à Rome, sur le Palatin, le culte de Cybèle, la Grande Mère des dieux, mais ce culte, violent et pathétique, avait été discipliné comme l’avait été en 186 avant J.-C. le mysticisme de la religion dionysiaque, importée d’Italie méridionale. Les autorités redoutaient toute forme de mysticisme, toute communication directe entre le fidèle et son dieu, et les temples des dieux n’étaient ouverts et accessibles qu’à certains jours, très exceptionnels, pour des supplicationes , où la piété personnelle venait remercier ou supplier les dieux directement, sans intervention de médiateurs sacerdotaux officiels. À partir du Ier siècle de notre ère le courant de mysticisme franchit tous les barrages. Sous le règne de Claude, le culte de la Grande Mère fut développé; sous Caligula, Isis et Sarapis eurent leurs sanctuaires dans Rome, et l’on vit dans la ville les prêtres égyptiens, avec leurs vêtements de lin et leur crâne rasé. Peu à peu se multiplièrent aussi les chapelles de Mithra. Mithra, dieu solaire, eut comme rivales, parfois comme alliées, les divinités syriennes, qui s’installèrent autour de Rome, mais plus encore, dans les camps où les soldats venus d’Orient avaient apporté leurs croyances et leurs rites. À ce point, il n’est plus exact de parler de «religion romaine»; il s’agit des religions de l’Empire, des formes prises alors par les cultes des différents pays intégrés dans la vaste communauté politique romaine.L’évolution du culte officielCependant, fait essentiellement romain, la théologie impériale, formée autour d’Auguste, évoluait pour elle-même et contribuait à donner au régime impérial un fondement religieux bien défini. L’empereur avait été divinisé de son vivant, dès l’époque d’Auguste, surtout en Orient, et le mouvement avait continué sous Tibère, malgré les réticences du prince. Il s’accentua sous les derniers Julio-Claudiens, peut-être en partie sous l’influence de la pensée égyptienne, les empereurs étant, en Égypte, successeurs des pharaons. Avec Néron s’affirme une théologie solaire du prince, et cette conception sera destinée à une très grande fortune. En même temps, Néron se présente comme un nouvel Apollon (conducteur de quadrige, joueur de lyre, etc.) et même comme un nouvel Hercule (ce héros, venu de Grèce à travers l’Étrurie, était considéré depuis le Ve siècle av. J.-C. comme le patron de la uirtus , dans son sanctuaire du forum boarium ).Si le règne de Vespasien marque un retour au principat augustéen, Domitien se veut proche des dieux; Trajan, en dépit de sa grande modération, se place sous le patronage d’Hercule et se plaît à porter le surnom d’Optimus , qui est celui du Jupiter Capitolin. Après les Antonins, Commode retrouve la tradition inaugurée par Néron. Il prend le surnom d’Hercule, se fait représenter avec les attributs du dieu et, ce qui est plus important, affirme dans l’amphithéâtre ses vertus «herculéennes», en combattant des fauves; Septime Sévère, revenant sur la condamnation portée par le Sénat contre Commode, lui décerne l’apothéose. En fait, on discerne une véritable lutte entre la religion impériale et le conservatisme du Sénat. L’histoire a stigmatisé comme «mauvais empereurs» ceux qui incarnaient le plus franchement la théologie impériale, mais l’histoire n’a jamais été aussi partiale. Il est remarquable que le restaurateur de l’Empire, à la fin du IIIe siècle, Aurélien, s’assimila au dieu Soleil. Il était dieu pour les peuples, qui trouvaient dans sa divinité solaire un principe d’unité qui, de plus en plus, faisait défaut au monde romain. La religion impériale apparaissait de plus en plus nécessaire, et lorsque Dioclétien, le fondateur de la «tétrarchie», voulut réorganiser l’Empire, il commença par proclamer la divinité des princes et établit une hiérarchie théologique: les empereurs (Augustes) sont de rang «jovien», les Césars sont «herculéens». Et Constantin, au début de son règne, fut le Soleil incarné. À ce point, la théologie impériale rencontre les idées des philosophes: dans les formes ultimes de la pensée stoïcienne, le Soleil est le symbole du dieu maître du Cosmos. Mais, apparemment, ces spéculations se situaient fort loin de la religion quotidienne. Celle-ci, abandonnée par les élites qui lui préféraient la philosophie, trouvait un refuge dans les campagnes, chez les habitants des villages (pagani ), surtout dans les pays gaulois. Dans les villes, au contraire, les idées nouvelles l’emportaient. Et, parmi elles, ce qui deviendra le christianisme. Le paganisme, si accueillant aux divinités étrangères, trouva sa récompense dans la fidélité des peuples conquis, pour qui les dieux romains traditionnels incarnaient les propres divinités. Il fallut une action politique du pouvoir pour mettre fin au paganisme, avec l’édit de Théodose (8 nov. 392). Encore cet édit réussit-il plus à masquer le paganisme qui trouva le moyen de survivre dans les rites chrétiens, qu’à le détruire; les sentiments profonds de l’âme humaine auxquels il répondait ne pouvaient être rayés d’un trait de plume, ni satisfaits par la religion nouvelle, qui dut passer par des siècles d’élaboration avant de répondre aux exigences de la condition humaine.
Encyclopédie Universelle. 2012.